Deux grands compositeurs et musiciens russes, Modest Moussorgski et Nikolaï Rimski-Korsakov, ont entretenu une amitié musicale profonde et durable. Les premières esquisses d’un opéra (d’après Gogol), intitulé « La nuit de Saint Jean », furent réalisées en 1858. Moussorgski utilisa ensuite ce matériau en 1867 pour une composition pour orchestre sous un nouveau titre, « La nuit de Saint-Jean sur le Mont Chauve », revu plusieurs fois, mais définitivement fixé (après la mort de l’auteur) par Rimski-Korsakov qui l’imprime en 1886, à Saint-Pétersbourg, sous le titre « Une Nuit sur le Mont Chauve ».
Rimski-Korsakov a préparé « Kovàncina » de « Boris Godounov » pour publication, ainsi que des pièces pour orchestre, chœur et musique de chambre (dont « Tableaux d’une exposition », pour piano, transcrit pour orchestre par Ravel, en 1922). Personne ne se souvient qu’il y avait une fois (comme dans un conte de fées) deux amis, tous deux musiciens, Modinka et Korsinka (comme Borodine appelait affectueusement Moussorgski et Rimski-Korsakov) qui ont même vécu un moment dans la même pièce.
Du matin jusqu’à midi, Modinka a utilisé le piano, qui a ensuite été repris par Korsinka qui, à table, n’a cessé de copier ou d’instrumenter les partitions à venir. Modinka et Korsinka travaillaient quotidiennement ensemble, échangeant des idées et des projets, et pendant que l’un jouait « Boris », l’autre composait « La Pskovitana ». Ils échangeaient aussi leurs impressions entre eux, et ce n’était pas toujours Modinka (cinq ans de plus que Korsinka) qui suivait les conseils de son ami.
Quand Korsinka s’est marié, il est allé vivre ailleurs. Quand Modinka est mort, Rimski-Korsakov a essayé de le faire revivre en modifiant sa musique (il l’avait déjà fait du vivant même de Modinka, avec son consentement) des œuvres musicales qui autrement auraient été perdues, et pour lui, c’était comme continuer de vieilles conversations avec son ami.
L’esquisse symphonique, laissée par Moussorgski (il tenta de l’utiliser de diverses manières, sans jamais y parvenir) était divisée en quatre moments : I-La convention des sorcières, II-Le cortège de Satan, III-Le triomphe de Satan, IV-Samedi des sorcières. Rimski-Korsakov a réorganisé la pièce en six épisodes, ajoutant une fin calme après le féroce Allegro.
La structure du concert Fantasia est la suivante : Sons souterrains de voix surnaturelles – Apparition des esprits des ténèbres et de Satan – Triomphe de Satan et « Messe Noire » – Samedi – Son de la cloche qui disperse les esprits des ténèbres – Aube (pas forcément indispensable cependant pour comprendre l’œuvre musicale). L’orchestre est assez grand et comprend des percussions, avec timbales, cymbales et grosse caisse ; le tam-tam intervient dans des moments d’exaspération phonique et tonique, obtenus dans le « crescendo » d’une ingénieuse superposition de nappes sonores.
Ainsi, l’amitié musicale entre Moussorgski et Rimski-Korsakov a été marquée par une collaboration étroite et un soutien mutuel dans leurs œuvres respectives. Leurs échanges et leur travail conjoint ont produit certaines des compositions les plus emblématiques de la musique classique russe, et leur amitié perdure à travers leurs créations.
Massimiliano Donninelli - Chef d’Orchestre et Compositeur