

J’évoque ce sujet car j’ai récemment vu une œuvre de l’artiste allemand Hans Hoffmann, considéré comme un pionnier de l’expressionnisme abstrait, ce qui lui confère une valeur indéniable. Cependant, j’ai récemment vu une de ses œuvres mise aux enchères sur ART.SY, à un prix de départ de 200 000 $. L’œuvre en question m’a semblé être une monstruosité stupéfiante, et je lui donnerais un prix infiniment inférieur, même si elle ressemble davantage à Hoffmann. De même, il existe de nombreuses œuvres de Cy Twombly, inspirées de ses graffitis et de ses gribouillis, qui, tout en produisant des œuvres brillantes, ont aussi des œuvres sans valeur, malgré les ferveurs de certains. Il existe bien d’autres exemples d’œuvres sans valeur objective, créées par de grands artistes, mais surévaluées par le marché, et je n’ai d’ailleurs retenu que ces deux exemples d’artistes, alors qu’il y en a beaucoup d’autres.
Cependant, une valeur essentielle, et extrêmement précieuse dans ces cas de création, doit être soulignée : le courage de se jeter aveuglément dans l’obscurité, espérant trouver la révélation d’une nouvelle voie et en extraire une œuvre précieuse qui, grâce à cette découverte, mènera non seulement à la naissance d’œuvres futures de grande qualité, mais ouvrira également des portes à d’autres disciples et offrira de nouvelles clés d’expression. Parfois, ce qui émerge de cette immersion dans l’inconnu est un échec total. Ces échecs, rejetons déformés d’une œuvre, restent de simples tentatives, mais l’esprit de recherche conduira le véritable artiste à persévérer et à ne pas faiblir dans cette lutte passionnée jusqu’à ce qu’il trouve les voies du succès.
Si l’on compare les œuvres merveilleuses des maîtres anciens à celles des grands artistes d’aujourd’hui, on constate une grande différence. Elle n’est pas visuelle, mais spirituelle. La création d’une œuvre relevait d’un savoir-faire raffiné, alliant composition, harmonie des couleurs, contrastes, règle d’or, etc. Et la réalisation des œuvres prenait généralement un temps considérable. L’ego se manifestait, partant de l’intérieur pour se propager vers l’extérieur, afin de montrer au public une représentation, une scène. Et bien qu’au fil du temps, les artistes aient découvert de nouvelles façons de créer, ce désir de montrer un thème a toujours été plus fort, et de plus en plus, de montrer avant tout une forme d’exécution, comme chez les impressionnistes, ou une forme d’abstraction progressive chez les peintres cubistes. Depuis l’avènement de l’abstraction, et plus encore avec l’expressionnisme abstrait, l’ego est intérieur. L’âme jaillit avec son langage personnel : je suis moi-même, mon intuition me guide, et tout surgit automatiquement. Ce que je fais, c’est mon style, il n’y a pas de thème, c’est une pure expression de mon être. Chez les anciens, c’est l’inverse : je suis moi-même pour vous.


L’histoire de l’art s’ouvre et se referme comme des nœuds. Autrefois, l’art était anonyme et étroitement lié au chamanisme ou à la religion, ses œuvres allant des peintures rupestres aux églises. Le nœud se referme et un nouveau panorama s’ouvre avec l’apparition de la première œuvre signée. Dès lors, l’anonymat s’installe et l’expression « Je suis pour toi » prend corps. Avec l’apparition de l’art abstrait, et notamment de l’expressionnisme, dont l’une des principales racines est la peinture automatique proposée par les surréalistes, le nœud précédent se referme et un nouveau panorama s’ouvre : « Je suis moi pour moi. » Dans la réalité artistique actuelle, marquée par un grand vide, j’ai le sentiment qu’un autre type d’expression se développe lentement, comme si l’artiste n’était que l’instrument d’entités intervenant à travers lui, agissant uniquement comme un médium, révélant des choses que nous commencerons bientôt à intérioriser.
Leoncio Villanueva,
Peintre péruvien
